Dimanche 8 mars

Carloforte est une petite ville très agréable, à l’ambiance détendue. Nous nous perdons avec plaisir dans ses petites rues en allant faire nos emplettes.

Le site est joli, avec une grande lagune qui borde la ville d’un côté et quelques collines verdoyantes de l’autre. En vis-à-vis, par-delà le petit bras de mer qui sépare l’île de la côte sarde, s’élèvent à l’arrière-plan les montagnes du sud de la Sardaigne. Le port est un bon abri (de tous les vents d’ouest en tout cas), très calme en cette saison: aucun mouvement de bateau de plaisance depuis notre arrivée. Seuls les petits ferries entrent et sortent du port régulièrement, à peu près toutes les heures. Ils nous semblent d’ailleurs brûler beaucoup de mazout pour rien vu qu’ils sont quasiment vides à l’aller comme au retour. C’est sûrement très différent en plein été, grouillant de vie, de bruit et de touristes débarqués des ferries par centaines, mais nous apprécions beaucoup l’atmosphère reposante du moment : carpe diem depuis deux jours... avec un peu d'école pour les enfants quand même.

A défaut de retrouver l’équerre dans le bazar de la cabine d’Ulysse, Héloïse utilise la règle Cras de la table à cartes pour faire ses exercices de géométrie…

Sans surprise, le vent s’est remis à souffler assez fort depuis vendredi soir. C’est d’ailleurs pour cette raison que nous étions partis d’Alghero en début de nuit, en profitant d’une fenêtre étroite. Bien abrités au port, nous sommes repartis sur du désormais classique 20-25 nœuds établis avec rafales à 30, agrémentés de quelques averses sous un ciel bleu dominant. A priori, notre prochain objectif est la côte tunisienne, étape d’environ 180 milles, soit 35 heures à 5 nœuds de moyenne. Nous aurions pu envisager de partir ce matin, mais ça risquait de devenir un peu « chaud » en milieu de traversée avec des rafales prévues à plus de 30 n.. Nous sommes convenus d’attendre la fin de ce nouvel épisode venteux et de partir sur « sa queue » dans la nuit de mardi à mercredi.

…

Quelques heures après avoir écrit les lignes qui précèdent, les informations que nous trouvons sur les nouvelles dispositions prises par le gouvernement tunisien nous décident à opter pour un premier changement d'importance dans l’itinéraire prévu. Pour faire court, on renonce pour l’instant à la Tunisie et on vise l’ouest de la Sicile (via Cagliari ou pas). Sans même parler du récent attentat contre l’ambassade américaine à Tunis, qui pourrait générer quelques tensions, la lecture de l’article ci-après a été décisive.

Coronavirus : deux plaisanciers français en quarantaine à Hammamet, en Tunisie

La décision a été prise le 1er mars par mesure de précaution. franceinfo Afrique Rédaction Afrique France Télévisions "C'est une nouvelle procédure de l'Etat tunisien. Quand un bateau étranger, surtout venant d'un pays à grand risque comme, par exemple, l'Italie, entre en Tunisie, il est mis à l'écart le temps de procéder à des contrôles sanitaires", explique, à franceinfo Afrique, Imed Mzoughi, directeur du port Yasmine de Hammamet.

https://www.francetvinfo.fr

En y regardant de plus près, ces plaisanciers ont fini par être « libérés » après une quarantaine d’heures. Sous la pression des médias français ? Du Quai d’Orsay? Contre bakchich ? Ce n’est pas clair. En revanche, la nouvelle mesure du 1^er mars visant à mettre en quatorzaine les gens en provenance de « pays à risque », dont l’Italie, semble avérée. Nous n’avions pas prévu de passer plus d’une grosse semaine en Tunisie : c’était une escale mineure. Dans ces conditions, nous n’allons évidemment pas prendre le moindre risque de nous retrouver « enfermés à bord » pendant deux semaines, sans parler de tout l’énervement inévitablement lié aux complications administratives, alors que les formalités d’entrée sont déjà réputées emm..antes en temps normal. Tant pis pour Carthage, les souks et la balade en chameau. On verra sur la route du retour. Peut-être.

Bref, c’est décidé, notre prochain objectif sera la Sicile. L’étape sera plus longue, mais ça ne change rien au moment que nous avons choisi pour quitter Carloforte : mercredi et jeudi, ce sera de toute façon du vent d’ouest / nord-ouest dominant. Que l’on suive un cap moins sud que prévu n’est pas un drame –si les prévisions se confirment.

Cet après-midi, nous avons fait une grande promenade autour de la lagune qui borde le village, après un gros crochet en longeant le littoral. 

Bon, évidemment, quand on habite à Pérols, on a du mal à trouver exotiques quelques flamants roses et aigrettes qui pataugent entre les buissons de salicorne.

Flamants roses en vol et dans l'eau. Bon.

Aigrette. Voilavoila.

Perrinette des marais.

Mais on a aussi repéré des espèces plus locales, comme le « Cavaliere d’Italia » (nom savant : « himantopus himantopus »), particulièrement élégant, et des grosses « gallinella d’acqua »,  moins élégantes:

Presqu’aussitôt rentrés au bateau, nous en ressortons pour traverser le ponton et honorer l’invitation à l’apéro de Thierry et Christine, nos voisins du catamaran. Ils sont super sympas, nous passons un très bon moment avec eux. Après deux « spritz » et quelques bonnes rigolades, ni eux ni nous n’avons envie de faire la cuisine pour le dîner. Nous nous accompagnons donc mutuellement pour aller chercher en ville des pizzas à emporter et à dévorer sur nos bateaux respectifs.

Nous nous adaptons aux usages locaux : pizzas et huile.

Pourquoi l'huile? 

Parce qu'il est bien connu que les Sardes dînent à l’huile. (Tant pis si Ulysse ne semble pas la trouver désopilante. Je tenais à rendre ce double hommage à mon cher parrain Yves B. et à Olivier C., maîtres de conférences et docteurs ès jeux de mots et contrepèteries, catégorie poids lourds).