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L'odyssée d'un Colibri
22 octobre 2019

La nuit

"Et la nuit, comment faites-vous pour dormir?"

La plupart du temps, nous ne naviguons pas pendant la nuit. Nous pouvons donc nous offrir des nuits de sommeil honnêtes, presque comme à la maison, quoiqu’un peu décalées dans nos horaires de coucher et de lever qui se calent peu à peu sur ceux du soleil. Nous complétons généralement nos nuits par une sieste réparatrice. La qualité du sommeil dépend beaucoup de l’endroit où nous nous sommes arrêtés.

Les nuits les plus paisibles sont normalement celles où on est amarré au ponton d’un port : rien ne bouge. En revanche, il faut souvent s’accommoder des bruits de la ville : pétarades de mobylettes, fêtes foraines, musique ou karaoké des bars environnants, beuglements des hordes de pochards en fin de soirée, etc. Ah oui, dans la cabine avant, il faut aussi s’habituer aux grincements des amarres et, dans le carré, aux pare-battages qui couinent (ça fait des années qu’on dit qu’il faudrait acheter des housses en tissu et qu’on a finalement d’autres priorités).

Les autres options pour s’arrêter quelque part, c’est le corps-mort ou le mouillage sur notre ancre. Le corps-mort, c’est une bouée équipée d’un anneau qu’il faut attraper avec la gaffe (façon pêche à la ligne pour enfants) en arrivant lentement dessus. On passe une amarre dans l’anneau, lui-même relié par une chaîne à un point supposé fixe au fond de l’eau, et le tour est joué. Habituellement, un type passe ensuite avec son zodiac pour nous racketter (d’un montant tout de même plus acceptable que dans un port). Si les bouées ne sont pas trop proches les unes des autres, si l’environnement est sympa et bien protégé, c’est une bonne solution pour passer une nuit tranquille. J’ai lu et entendu des histoires de corps-morts qui dérapent sous les rafales, mais ça ne nous est jamais arrivé.

Enfin, la meilleure solution est de se trouver une chouette petite crique déserte et bien protégée pour y jeter notre ancre. Le problème, c’est que les chouettes petites criques bien protégées sont rarement désertes en plein été. Ça rend parfois la manœuvre un peu complexe pour « faire son trou » proprement entre les copains. Pendant notre périple, en naviguant complètement hors-saison, nous devrions être plus tranquilles. Quant à la qualité du sommeil au mouillage, c’est très variable : notre ancre est excellente, mais elle risque a priori davantage de chasser (déraper, glisser sur le fond) qu’un coffre. Si le vent se lève un peu fort, je ne dors que d’une oreille et sors la tête régulièrement pour vérifier qu’on n’a pas changé de place. Il peut aussi y avoir des mouillages bien protégés, avec des fonds de bonne tenue, mais très rouleurs, donc inconfortables : le bateau roule d’un bord sur l’autre en faisant brinquebaler tout ce qui n’est pas attaché, y compris l’équipage sur les couchettes.

Organisation des couchettes : en principe, Ulysse et Héloïse ont chacun leur cabine à l’arrière. Brigitte et Perrine dorment dans la cabine double à l’avant. Je m’installe sur une des couchettes du carré (partie centrale du bateau) pour pouvoir sortir vite si besoin.

Voilà pour les nuits les plus courantes. Mais il nous arrive aussi de continuer à naviguer pendant la nuit, avec une organisation et des rituels particuliers.

Navigation de nuit

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Nous sommes donc en mer, le soleil baisse sur l’horizon et la journée de navigation s’achève. Avec le crépuscule, dans certaines conditions particulières, on voit littéralement le front de pénombre s’approcher vers nous sur la mer à toute vitesse, comme dans les animations vidéo expliquant aux élèves l’alternance jour/nuit liée à la rotation de la terre.

Même par calme plat, chacun sait alors qu’il doit enfiler son harnais et s’attacher systématiquement à la ligne de vie en montant sur le pont. En cas de chute à la mer, la récupération dans l’obscurité devient en effet beaucoup plus compliquée. On allume nos feux de position et l’éclairage des instruments.

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Pour les enfants, le but du jeu est alors de rester dans le cockpit le plus tard possible. Mais ils cèdent généralement assez vite à l’appel de leurs couchettes où ils s’offrent une nuit à peu près normale.

Exemple: Ulysse en plein quart de nuit. Là, il a quitté le cockpit vers minuit en disant qu'il allait juste s'allonger 10 minutes. Il n'a finalement émergé que le lendemain matin, alors qu'on était amarré au port depuis bien longtemps...

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Il en va différemment pour Brigitte et moi. Même sous pilote automatique, il faut assurer la veille et continuer à régler le bateau. Théoriquement, il faudrait instaurer des quarts (par exemple alternance 4h de veille/4h de repos). Mais en pratique, Brigitte ayant plus de facilités que moi à s’endormir vite, on s’est habitué à fonctionner ainsi : elle va se coucher assez tôt, avec les enfants, et je m’efforce de « tenir » le plus longtemps possible, souvent jusqu’à l’aube. Concrètement, je m’installe sur un banc du cockpit avec un coussin et je somnole par tranches de 15 à 20 minutes, entrecoupées par un tour d’horizon aux jumelles et une vérification des réglages. Au moindre doute sur le cap d’un bateau repéré, je descends vérifier sur l’AIS qu’il n’y a pas de risque de collision. S’il y en a un, je modifie le cap en conséquence et reste bien éveillé jusqu’à ce qu’il n’y ait plus de danger. De nuit comme de jour, ce sont les pêcheurs qu’il faut surveiller le plus. Généralement, à partir de 3-4h du matin, mon sommeil devient plus profond et je règle une alarme sur mon téléphone pour continuer à me réveiller régulièrement.

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Puis, quand on commence à deviner l’approche de l’aurore aux doigts de rose, je vais réveiller Brigitte en préparant un café et je vais ronfler comme une brute pendant 2 ou 3 heures, jusqu’à ce que les enfants finissent inévitablement par me réveiller. Je reconnais que, pas frais, je suis alors d’une humeur de dogue. Bizarrement, je me sens plus en forme à partir de la 2ème nuit de navigation, peut-être parce que je m’habitue et que la fatigue est alors telle que les temps de sommeil, pourtant toujours aussi courts, deviennent plus réparateurs?

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Il y aurait beaucoup de choses à raconter sur le charme des navigations de nuit : leur atmosphère particulière, la beauté des constellations sans la moindre pollution lumineuse, la splendeur d’un lever de lune, la sensation indescriptible de « foncer » dans l’obscurité, le sillage phosphorescent, la suractivité des cinq sens, les « plouf » étranges à quelques mètres du bateau (un poisson, un dauphin, juste une déferlante solitaire ?), le plaisir de prendre régulièrement ses repères sur une étoile, la joie de reconnaître la mélodie des éclats d’un phare,… Mais de nombreux écrivains ont raconté tout ça bien mieux que je ne le ferais. En tout cas, j’aime naviguer de nuit. Dommage que ce soit aussi fatigant.

Aspect caractéristique du carré au petit matin après une navigation de nuit. Chacun s’est installé où il pouvait, on voit dans l’évier le paquet de barres de céréales et deux tasses pour le thé qui a aidé à nous tenir éveillés, polaires et vestes de quart éparpillées, le tonton qui dort tout habillé avec son téléphone/réveil à proximité, la peluche tombée par terre et un petit pied qui dépasse en signalant que la masse blanche informe dissimule Perrine ou Héloïse.

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