5 juillet
Notre circuit d’hier se concentrait sur la partie est de la Sicile. Notre objectif du jour vise cette fois l’intérieur de l’île : la villa romaine du Casale, à 150 km de Syracuse. Maintenant qu’on a réussi à programmer le GPS de la voiture pour emprunter les autoroutes, le trajet se passe vite et bien. Après Catane, le paysage change. Nous traversons une région vallonnée où les champs de blé récemment moissonnés déroulent à perte de vue les nuances de leurs couleurs dorées : jaune, beige et ocre contrastent avec le ciel bleu. C’est assez beau pour faire vibrer la corde (cordelette, ficelle… ?) artistique d’Ulysse qui compare ce décor à celui de certaines peintures qu’il a étudiées au collège. Bientôt, il va nous déclamer un poème, il est temps qu’on arrive. Les débats pour choisir une station de radio écoutable rabaissent le niveau intellectuel de nos discussions à leur niveau normal.
Nous laissons la voiture sur le parking du site et nous faisons alpaguer par un marchand de souvenirs qui, bon commerçant, commence par nous apprendre que la visite est gratuite aujourd’hui comme chaque premier dimanche du mois. Après, ça cafouille un moment à l’entrée : alors qu’on avait vérifié sur le site internet qu’il n’était pas nécessaire de réserver une visite en ligne, tout le monde découvre devant les grilles de l’entrée qu’en fait si, depuis ce matin. Le résultat est une belle pagaille à l’entrée, une vingtaine de personnes rouspétant dans toutes les langues (surtout en italien, donc avec le volume poussé au maximum) et effectuant en urgence une réservation bidon sur les smartphones. On fait comme tout le monde et obtenons une visite sur le premier créneau horaire disponible, à 15h30, alors qu’il est 11h… En réalité, le cerbère fait de son mieux pour optimiser le nombre de visiteurs par rapport à la capacité d’accueil établie à 60 personnes et laisse donc entrer les gens au fur et à mesure que d’autres sortent. Nous n’attendons donc finalement pas plus d’un quart d’heure avant de pouvoir passer le guichet.
Cette villa romaine n’est pas celle du Romain standard : il s’agit plutôt d’un petit palais, construit au IIIème siècle après J-C par Maximien, un des principaux frères d’armes de l’empereur Dioclétien. C’est très grand, avec des thermes privés, de grandes salles de réception, un impressionnant atrium, etc.
La célébrité de cette villa tient d’abord à la qualité de conservation exceptionnelle des mosaïques qui ornent partout les sols.
Sans reprendre en détail chaque partie de la visite, voici quelques échantillons représentatifs :
D’innombrables têtes de divers animaux dont certains, avec leurs grands yeux, ont un petit côté Walt Disney:
Une scène parmi d’autres : la capture d’animaux exotiques destinés aux jeux du cirque de Rome et leur embarquement sur des bateaux.
Au sol de ce qui est supposé être une chambre d’enfant, reprise humoristique du thème conventionnel des scènes de chasse contre des bêtes féroces présenté dans une pièce voisine, mais adaptée aux enfants : l’un se fait pourchasser par un coq, un autre se fait mordre par un rat, un autre capture un oiseau, etc.
Dans la même veine, en réponse à la course de chars du cirque Massimo représentée dans une autre pièce,...
...cette course de chars enfantine, où les engins tirés par des oiseaux, n’est pas mal non plus :
Un peu plus classique, cette scène de l’Odyssée où Ulysse propose du vin au cyclope Polyphème afin de l’enivrer :
Scène de pêche où les gars s’y prennent visiblement mieux que nous :
Une des plus connues grâce à son caractère intemporel, les jeunes filles en bikini qui courent, utilisent des haltères, jouent à la balle ou reçoivent une récompense :
Et tant d’autres encore…
Après la visite, la tête encore pleine de toutes ces belles images, nous nous rendons dans le village tout proche de Piazza Armerina où nous grignotons un morceau et nous promenons un peu, notamment jusqu’à la cathédrale de l’Assomption dont l’intérieur baroque est couvert de stuc blanc et bleu clair m’évoquant un gros gâteau à la crème.
En redescendant à pied par les ruelles vers la voiture, alors que Perrine fait encore le clown assez peu discrètement, nous passons devant la porte grande ouverte d’une maison et voyons rapidement la scène figée dans la pénombre de la première pièce : une veillée mortuaire. Le défunt en costume est étendu sous une feuille de plastique transparente (protection contre le virus ?) et une femme est assise à côté. Deux hommes sont assis à l’extérieur sur un petit muret et nous regardent passer en souriant. Perrine a bien compris ce qu’elle venait de voir et se calme immédiatement... pendant presque 2 minutes.
Nous sommes de retour sur le bateau vers 18h, trop tard pour aller visiter le musée archéologique qui me tente bien. Nous sommes invités à aller prendre l’apéro sur un bateau français voisin, mais nous sommes un peu crevés et préférons différer à demain soir.
Peu après, Perrine approche deux petites gamines italiennes (qui n’ont respectivement que deux et trois ans) accompagnées de leur mère. C’est surtout avec cette dernière que Perrine va tailler le bout de gras pendant plus d’une demi-heure, sans que je comprenne bien comment c’est possible alors que la dame ne parle que quelques mots de français. Toujours est-il que la maman raccompagne Perrine au bateau en nous disant qu’elle est décidément trop mignonne (ah bon) et qu’elle reviendra la voir à 18h demain.
En milieu de soirée, le bateau de Sarah, la petite copine d’Héloïse et Perrine, revient s’amarrer sur le ponton après deux jours d’absence : c’est la fête pour les trois filles qui se jettent dans les bras comme si elles étaient les meilleures amies du monde et s’offrent des petits cadeaux.
Quelle intense vie sociale, sur ce ponton !